Illimitée pourrait être le qualificatif que j’appliquerais à la créativité de Damien Béal, artisan d’art particulièrement inventif et doué. Ses créations, allant de la maroquinerie au mobilier en passant par les accessoires et tout récemment le bijou, ont en commun une parfaite élégance remarquablement intemporelle et ce petit quelque chose de supplémentaire qui tient de l’audace maîtrisée, une forme de crânerie de bon aloi…jubilatoire… Naissant les unes après les autres, au fil des envies et des rencontres de Damien Béal, elles forment une grande collection qui a pour vocation de repenser les objets du quotidien en y intégrant les matières de prédilection de ce créateur polymorphe, essentiellement le bois et le cuir mais pas uniquement.

Ainsi, aux origines de Damien Béal est le bois. A 14 ans, il quitte le collège, fait un énième stage en menuiserie et intègre l’atelier Saint Jacques en Vallée de Chevreuse pour faire son CAP qu’il remporte avec une technicité très remarquée, après forces luttes avec un entourage qui, à la fin des années 90, déconsidère les métiers d’artisanat d’art. Mais, il a 17 ans et ne se voit pas encore travailler. Très intéressé par la démarche des Compagnons du Devoir et du Tour de France, il devient stagiaire, fait ainsi son tour de France, passe son BEP. Puis en tant qu’aspirant Compagnon œuvre à Toulouse, St Brieuc et à l’île de la Réunion.

Au bout de quatre ans, il choisit de s’arrêter en accord avec les Compagnons. Toujours muni de son titre, riche de l’enseignement de cette formidable association, imprégné de ses vertus, de ses valeurs, il a 21 ans. Après quelques tâtonnements, il crée son entreprise et accepte tous les chantiers : réalisations de meuble TV, d’escalier, de petites charpentes, de dressing, quand ce n’est pas la réalisation de la menuiserie de tout un hôtel. Mais au bout de cinq années à un rythme effréné, une certaine insatisfaction pointe car, en parallèle, dans ses quelques heures creuses, des objets naissent sous son crayon, objets non réalisés qui attendent dans un coin de sa vie.

C’est en 2010, lorsque son dernier gros chantier se termine qu’il vient s’installer à Versailles, loue une boutique et se plonge avec ravissement dans la liberté de la création comme il appelle le très beau moment qu’il explore cette année-là, enfin. Dans les 70m2 de sa boutique, une joyeuse vie se met en place entre les clients qu’il faut toujours aller chercher, sa vie de famille avec l’arrivée de son premier enfant, la création d’objets magiques, un peu fous comme un vestiaire meuble très chic ou un vélo tout en bois, un vélo qui roule, bien sûr…

Mais, au bout de deux ans, Damien, épuisé, vend sa boutique tout en conservant précieusement son réseau de clients. Pour reprendre sa respiration, il accepte un chantier de remise en état d’un relais de chasse et de la maison d’architecte qui l’accompagne, quand une de ses amies mosaïstes lui propose de participer à un défilé en créant un objet, ensemble. Passionné, depuis longtemps, par l’objet et le lien que l’on crée avec l’objet, Damien accueille avec curiosité ce compagnonnage renouvelé, le premier d’une liste qui s’allonge désormais régulièrement tant cet artisan aime à rencontrer le talent de l’Autre et à imaginer, à créer de concert.

Et ainsi, va naître La Ninetta en bois, dont le nom vient de celui de sa fille, l’ancêtre du premier modèle de la collection de maroquinerie Damien Béal. Dans le même temps, Damien imagine un sac en bois et cuir, se rend chez son futur fournisseur de peaux, et se lance dans la réalisation d’un prototype qu’il offre à son frère. Galvanisé par le succès que rencontre ce prototype, tout en poursuivant des chantiers de menuiseries, Damien continue ses explorations. Comprenant la nécessité de se séparer de la partie « travail du bois », il refuse de déroger au « cousu main », ce point Sellier qui crée une très belle couture « traversante » car traversant le bois.

Il imagine ainsi Le Minimum. Ce très petit sac est probablement l’une de mes créations préférées dans l’univers de Damien. Sa taille, son nom, ses matières, évidemment, de bois poli si doux, si délicat au toucher, et de cuir pleine fleur tanné, épais et souple à la fois, ce qu’il évoque en mon imaginaire des fameux nécessaires tant aimés, de la trousse à soi où l’on cache ce que l’on aime, ce à quoi on tient le plus, ou bien ce qui est précieux ou encore ce que je pourrais emmener chaque jour avec moi… le nécessaire, le minimum… vital… Le Minimum, mettant ses pas dans ceux de La Ninetta, ouvre le bal des sacs à vivre aux noms et formes enchantés dans cette maroquinerie inventive, mémorielle, systématiquement marquée de trois points de couture bleu-blanc-rouge.

En 2016, il s’installe dans un atelier à Versailles et les premiers temps sont fait de sacrifices, de recherches, mais aussi de francs et beaux succès. Les salons Maisons & Objets se succèdent, il commence à vendre en Asie et est remarqué par Empreintes, le concept store parisien qui s’attache à promouvoir l’artisanat d’art français dans toute sa richesse et son excellence. Depuis, le succès ne se dément plus. Damien déménage à 50 mètres pour un atelier-boutique plus grand, ouvre un autre atelier à La Loupe dans le Perche pour les grandes créations telle une psyché contemporaine et atemporelle, le Miroir bien planté dans son cube en chêne ou encore sa Comtoise revisitée, réalisée en bois brûlé selon la technique japonaise Yakisugi, technique qui protège le bois de façon naturelle, lui conférant une longévité exceptionnelle, inscrivant derechef l’objet dans une pérennité voulue.

Il y a du jeu, une certaine pétillance, une gourmandise dans la façon dont Damien Béal s’approche d’un objet ou plutôt de l’idée d’un objet qu’il va redessiner, redire, relire, épurer, ne gardant que l’essentiel, bien souvent. De cette recherche de simplicité va naître l’alliance des différentes matières rencontrant le bois, épousant le bois, devrais-je presque dire, tant la fusion est belle et offre une approche particulièrement sensuelle des textures.

Il en va ainsi de La Mangeoire à oiseaux unissant, dans un format grande feuille d’arbre stylisée, bois et métal, de son Boomerang, un tabouret aux jambes arquées en chêne massif et à l’assise en medium noir, ou encore de son Brigadier, bâton en bois de hêtre et cuir dans un élégant fourreau de cuir noir, merveilleux cadeau pour un metteur en scène, des comédiens…qui auront envie de faire revivre le temps des trois coups d’avant le lever de rideau…

En explorateur de ses envies, de ses souvenirs et de ceux de l’Autre avec qui, de plus en plus, il aime à collaborer, Damien se confronte, aussi, à d’autres matières, à d’autres techniques et de son imagination naissent des séries limitées comme les objets réalisés en cuir tatoué, un cabas en laine, cuir et bois, un Petit Reliquaire marqué d’un nom secret, ou de nouvelles créations telles : l’étonnante Loupiotte, une suspension tout en cuir, ou bien la très élégante Girafe, lampe à poser en bois et laiton ou, tout récemment un bijou, L’Attache Parisienne, un anneau en plaqué or, totalement inspirée par la traditionnelle attache parisienne qui le fascinait, enfant.

En chaque objet, toujours se retrouvent, se conjuguent audace, élégance et maîtrise…trois mots que j’appose comme un écho à la signature en trois couleurs de ce créateur, en trois couleurs car Made in France.

Mon Carnet de Notes

LE L’A.BO Damien Béal – 40 rue d’Anjou 78000 Versailles – Tel 09 72 14 25 31 – contact@damienbeal.fr https://damienbeal.fr . Ouvert du jeudi au samedi de 10h30 à 13h et de 14h à 19h.

L’atelier-boutique est à nouveau ouvert dès ce samedi 28 novembre aux horaires habituelles et dans le respect des mesures sanitaires, mais Il est toujours possible de passer commande sur le site et de contacter Damien aux heures d’ouverture, si vous souhaitez un coloris qui n’est pas disponible et ne pouvez vous déplacer.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/

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