Pour les lecteurs de mon livre Le mouchoir de la duchesse, Guy Lanartic n’est pas un inconnu puisqu’il est celui qui réalise des rapières – épée très en vogue au XVIIe siècle unissant trois fonctions : d’apparat, de duel et de guerre – et qu’il a fabriqué la belle épée de la statue équestre de D’Artagnan à Lupiac. Pourtant dans son atelier de Vic-Fezensac de façon nettement plus utilitaire quoique toujours extrêmement poétique, Guy crée, aussi, le bâton Gascon.
Sa rencontre avec le bâton, celui du Pays Basque, le célèbre makila, a lieu l’année de ses 22 ans. Il tombe amoureux car ce bâton, toujours unique, toujours sur-mesure, induit le travail de matières issues des trois règnes : minéral avec le métal, végétal avec le bois et animal avec le cuir. Notre artisan est outilleur de formation sachant donc ajuster, tourner, fraiser. Pendant plusieurs années, il œuvre dans l’aéronautique en créant différents outillages qui seront ensuite des pièces d’aviation mais en parallèle, il apprend à fabriquer le bâton car il décide qu’avant ses 40 ans, il aura changé de vie et sera devenu artisan fabricant de bâtons.
Un temps, il imagine classiquement migrer au Pays Basque mais son entourage l’incite à rester en Gascogne et à faire renaître le bâton gascon. Cet agulho, en occitan aiguille, bien moins connu que le makila, est aussi un bâton de berger, le bâton du berger gascon, bâton de marche et de défense. Contrairement à son cousin, il est plus rustique si bien que Guy, l’exhumant de l’oubli, lui redonne une jeunesse et une beauté méconnue jusqu’alors.
Pratique et redoutable, il est plus haut que le makila, ce qui permet de garder l’équilibre tout en étant très élégant et son arme, contrairement au makila, sera cachée en bas. Le bel objet ajoute aussi à ses qualités celle d’être un trophée, un objet honorifique que l’on peut offrir ou s’offrir aux moments importants de la vie car il est toujours orné de motifs personnalisés selon le futur possesseur.
Le dessin de son œuvre de renaissance arrêté, Guy s’installe en 1997, il a 38 ans et a tenu son serment à lui-même. Depuis, sa clientèle va des chanteurs de salsa aux militaires en passant par une marquise, un patron de multinational et de nombreux amateurs du chemin de Compostelle ou de périples du même acabit. La commande peut se faire par email, courrier postal ou par téléphone et tout le monde peut avoir son bâton de l’ouvrier au millionnaire car c’est le client qui fait son prix en fonction de ce qu’il choisit de mettre sur son bâton.
Voici les huit étapes de réalisation d’un bâton gascon :
1. Au printemps en lune montante, Guy va dans les bois, cherche un fût de néflier et le scarifie
Le motif dans le bois est traditionnel des bâtons de berger en général. Le bois de l’arbre ainsi marqué, va évoluer et grandir au fil des mois avec des nervures ou cicatrices apparaissant.
2. Durant l’hiver et en lune descendante, Guy coupe le fût qu’il considère prêt. Le met dans un grand bac d’eau bouillante, tourne le bois et ainsi l’écorce se décolle comme une peau de banane.
Puis il casse le nerf du bois pour le rendre le plus droit possible et le laisse sécher pendant trois ans. Le bois va retravailler. Au bout de ces trois années, il le plonge à nouveau dans l’eau et casse à nouveau le nerf du bois. La couleur du bois aura un peu changée dans le temps. Le bois est, à nouveau mis au séchage pendant trois autres nouvelles années. A la fin de ce temps, Guy plonge le bois dans un bain d’huile chaude. Pour résumer, il faut attendre dix à quinze années pour qu’une branche coupée soit montée en canne. Guy en prépare donc plusieurs à l’avance.
3. Quand un client a fait ses différents choix et que Guy a mis de côté la branche qui deviendra le nouveau bâton. Il réalise les viroles en laiton ou en argent. La virole du bas est fabriquée en fonction du diamètre du bois et du nombre de gravures prévues. La virole est ligaturée puis il l’usine.
Ensuite, il s’occupe de la virole du haut qui sera coupée en fonction de la devise choisit par le client et qui sera gravée dessus.
4. Le pommeau et le manche sont réalisés dans une corne de buffle ou de zébu. La corne est coupée et usinée.
5. Guy forge la lame ainsi que les trèfles en bout de canne, réalisés en acier trempé, chauffés dans l’eau et l’huile.
6. Puis vient la réalisation des gravures selon le désir du futur possesseur du bâton : Guy peut retracer sa vie et la vie de sa famille sous forme de symboles, de dates, d’initiales etc gravés sur le bâton. Notre artiste peut inclure un portrait aimé sur le bâton, des pierres, des fossiles.
7. Montage et ajustement de tous les éléments qui constituent le bâton gascon
8. La dragonne en cuir, préparée auparavant, est mise en toute fin de la réalisation du bâton.
Le bonheur de ce genre de d’acquisition tient, évidemment, à plusieurs éléments. Le premier se trouve dans le dialogue induit et toujours savoureux entre l’artisan et le futur possesseur qui décide de réaliser son rêve.
Le second tient au temps si particulier qui s’étire entre la branche coupée, traitée, conservée et le moment où elle va être montée en bâton parce qu’un nouveau rêve de bâton a vu le jour… à ce stade, le bâton de l’heureux possesseur, sans être même orné, a déjà une valeur quasiment inestimable en notre époque où le toujours plus vite est érigé en maître mot. Ici, la bonne dizaine d’années qui ont été nécessaire à la préparation du bois provoque un émerveillement sans appel…
Le troisième élément correspond à cette jouissance si particulière de devenir l’heureux acquéreur d’un objet fabriqué pour soi, à ses mesures, à la mesure de son rêve, sur-mesure… Il ne s’agit plus d’un bâton gascon mais de mon bâton gascon, pour moi, rien qu’à moi, qui me raconte moi et ma vie, tout en élégance et subtilité. Unique.
MON CARNET DE NOTES
Généralement, le prix d’un bâton gascon est entre 350 euros et 600 euros.
Guy Lanartic Artgascogne 4 rue Victor Hugo. 32190 Vic-Fezensac. Tel : 05 62 58 09 67 ou 06 73 56 47 07. guy.lanartic@orange.fr Site : http://baton-gascon.blogspot.com/
Le mouchoir de la duchesse, voyage au cœur de l’artisanat d’art de Bérengère Desmettre. Riveneuve éditions. https://www.riveneuve.com/catalogue/le-mouchoir-de-la-duchesse-voyage-au-coeur-de-lartisanat-dart/
Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/
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Excelencia y gracias por su arte