Rencontrer un artisan d’art et son savoir-faire est un des grands plaisirs dans ma vie. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire dans mon livre : Le mouchoir de la duchesse, Voyage au coeur de l’artisanat d’art https://lesvoyagesdeberengere.com/livre/ , le bonheur de lui apporter l’un de mes rêves à réaliser reste toujours aussi intense. Car son talent, son écoute participent, toujours, à la création d’un véritable art de vie qui m’est fondamentalement nécessaire. Ainsi, le souhait de faire réaliser deux objets très précis dont je rêvais depuis des années m’a fait rencontrer Mélanie de Watteville-Berckeim maroquinière audacieuse dont le credo avait tout pour me séduire : Apportez moi votre idée et je vais tout faire pour la réaliser.
A la genèse, un désir de création et une enfance cosmopolite
Née d’une mère allemande décoratrice et d’un père franco-suisse dessinant beaucoup, Mélanie a toujours voulu créer et a pensé, un temps, faire une école de design.
Elle naît aux USA, arrive à l’âge de deux ans en France et se sent fondamentalement cosmopolite.
Attirée très jeune par le théâtre, elle joue des pièces de théâtre pour enfants, puis se marie et fonde sa famille, à Chatou dans les Yvelines, avec enfants, chien et chat.
Lorsque ces enfants sont à l’école, elle commence à fabriquer des petits sacs avec les chutes de tissus hérités de sa mère.
Les bandoulières qu’elle achète toutes faites pour ces petits sacs sont très chères si bien qu’elle essaye d’en faire une première toute seule et renonce en comprenant que le travail du cuir et l’art de la maroquinerie sont de véritables métiers.
Elle cherche alors un école pour se former, et fait un stage à l’atelier Toolbox fondé par une ancienne ouvrière de chez Hermès.
Ce stage la convainc de se présenter en candidat libre pour faire le CAP qu’elle obtient en 2015 tout en étant coachée par les professeurs de Toolbox.
Sa source d’inspiration majeure vient de la rue notamment la rue parisienne avec ses femmes et ses hommes portant leurs sacs avec une allure qui évolue aux fils des années et la fascine.
Mélanie aime, particulièrement, associer le tissu et le cuir ou le cannage et le cuir, travailler avec la passementerie avec un vrai faible pour le style ethnique chic.
Chacun de ses voyages est une opportunité pour ramener des tissus indiens, des vieux kilims etc.
Avec une préférence marquée pour le cuir français, elle essaye de travailler, dans la mesure du possible, avec le plus de matériaux français.
Elle se fournit essentiellement à la tannerie Haas en Alsace proposant de beaux cuirs de vachette ou de veau, pleine fleur ou fleur corrigée ce qui veut dire que la fleur est poncée pour lui donner un grainage particulier.
L’aventure et le plaisir du sur-mesure
Les premiers sacs qu’elle crée sont issus soit d’un sac idéal dont elle rêve et qu’elle en voit nul part, soit des envies de ses amies ayant certes un modèle en tête mais qu’elles veulent avec une certaine modification, c’est ainsi que Mélanie réalise que chaque personne veut son propre modèle, son modèle unique et qu’elle se dirige alors sur la création haut de gamme sur-mesure.
Le fait de rencontrer l’idée de l’autre, son souhait est particulièrement stimulant pour cette créatrice.
Même si le projet semble ou s’avère très difficile à fabriquer voire impossible, Mélanie essayera avec passion de le réaliser car de cette confrontation avec l’idée de l’autre naît toujours une création.
Par ailleurs, si une personne souhaite un Kelly – nom donné à un sac Hermès en hommage à Grace Kelly – sans que cela en soit un véritablement, Mélanie cherche renouveler ce grand classique de la maroquinerie.
Certaines personnes viennent avec une matière, d’autres avec ce qu’elles veulent mettre dedans, ce fut mon cas.
Il est toujours plus simple pour Mélanie de rencontrer de visu le client car alors l’échange se fait autour d’une tasse de thé, Mélanie crayonnant sur ses petits carnets, réfléchissant, faisant différentes propositions avec force dessins et descriptions.
Le carnet lui est nécessaire pour avoir une trace de l’échange avec son client car la rencontre se clôt sur un projet validé ensemble.
Mélanie réalise sacs, besaces, pochettes, porte documents, trousses, sacoches, pochettes d’ordinateur ou de I Pad, mais aussi ceintures et étui à lunettes, ou encore porte revue pour canapé, assise de tabouret, porte-couteau, dans un autre domaine harnais pour chien et collier pour chien.
La création de ma musette d’artiste et de son nécessaire
C’est ainsi que je suis allée la voir avec un premier projet, celui de réaliser ce que j’ai appelé une musette d’artiste avec son nécessaire, accessoire voulu pour transporter avec moi facilement et joliment tout ce que j’aime à avoir sous la main lorsque je me promène pour aller dessiner.
Aussi, j’ai amené les éléments que je voulais mettre dans cette musette.
J’avais aussi un autre impératif, je voulais une alliance du cannage et du cuir dont j’avais vu un exemple sur l’un de ses petits sacs d’été et que je trouvais très raffinée.
Pour le nécessaire d’artiste, je lui donnais une totale carte blanche.
Notre premier échange a été l’occasion d’arrêter le modèle, la forme, les matières, la place de la bandoulière pour la musette, le choix de la bijouterie qui servira à fermer le couvercle de la musette et à accrocher la bandoulière à la musette.
Lors de ce premier rendez-vous, j’ai pu choisir le cuir car j’ai trouvé immédiatement mon bonheur dans son stock.
Mélanie a, ensuite, réalisé un prototype.
Ce prototype lui a permis d’avoir une idée plus précise des proportions justes, des pièges et des défauts à éviter et lui permet de donner une date claire sur le délai de fabrication car elle travaille seule dans son atelier.
La réalisation de ma musette d’artiste a donc suivi les étapes de réalisation suivantes.
Premières étapes :
Dessin de la musette et première ébauche de prototype en papier.
Fabrication des gabarits.
Réalisation du deuxième prototype en refente de cuir qui est un plein cuir. La refente consiste à diminuer l’épaisseur du cuir.
Rectification des gabarits – Réalisation d’un troisième prototype avec la fenêtre pour voir la pièce avec le cannage.
Etapes suivantes :
Découpe de toutes les pièces extérieures en cuir et découpe de la fenêtre – Astiquage des bordures de la fenêtre ce qui signifie déposer la teinture sur la tranche tranche, fileter et chauffer la tranche.
Découpe du cannage et collage du cannage à la pièce de cuir principale – Poser la partie basse du fermoir – Découpe de la doublure et collage de la doublure – Couture de la fenêtre
Coller les doublures sur les autres pièces en cuir. Redécouper la doublure aux dimensions des pièces de cuir extérieur. – Astiquages des tranches de cuir de chaque côté de la pièce principale et de la pièce du dos – Assemblage et collage du dos avec la pièce principale – Assemblage et couture du fond.
Finalisation :
Poncer la tranche et astiquer la tranche – Poser la partie haute du fermoir sur la bordure du rabat – Assembler le rabat et sa bordure – Poncer et astiquer la tranche – Assembler le rabat au corps de la musette.
Fabrication de la bandoulière :
Découper une longue bande de cuir aux dimensions choisies – Découper une bande plus large puis coller les deux bandes ensemble – Redécouper l’ensemble à la largeur de la première bande et coudre ces deux bandes – Poncer et astiquer les tranches – Faire les trous
Découper une nouvelle bande de cuir – Découper une mortaise pour la boucle de ceinture – Coller la bande repliée sur elle-même – Coudre poncer et astiquer – Découper deux petits bandeaux de cuir
Poncer et astiquer les côtés – Placer les anneaux D – Coller les bandes repliées sur elles-mêmes
Poncer et astiquer les tranches – Coller la bandoulière sur la musette et la coudre – Riveter la bandoulière aux anneaux.
Ma musette d’artiste était terminée mais Mélanie s’interrogeait sur l’idée qu’elle avait eu pour le nécessaire puisque nous n’avions pas validé le projet ensemble.
La petite trousse qu’elle me proposa et acheva de monter devant moi, m’a plu immédiatement. Depuis lors, je la quitte rarement, elle m’accompagne aussi dans ma besace quand elle n’est pas dans sa musette.
Un panier à pique-nique plus beau que dans mes rêves…
J’étais si satisfaite de cette première réalisation que je lui commandais un peu plus tard, un panier à pique-nique tel que j’en rêvais depuis mon adolescence.
Dans ce projet, la réalisation allait s’avérer particulièrement empirique étant donné l’ampleur de l’objet.
Nous avons beaucoup échangé ensemble pour permettre à Mélanie d’affiner sa perception de l’image que je me faisais de mon futur panier à pique-nique.
Il existe tant de formes de paniers à pique-nique.
Une fois que ma description fut nettement énoncée avec certains désirs incontournables et une allure générale bien cernée et explicitée, Mélanie m’exposa son plan d’élaboration de ce panier à pique-nique, plan que je validais.
Sur la base d’une malle en osier des années 30 que Mélanie a traité à plusieurs reprises et dont elle a renforcé les bordures fragilisées avec le temps.
La poignée centrale d’origine a été conservée et Mélanie lui a adjoint deux autres poignées latérales en cuir.
Deux grandes sangles en cuir entourent tout le panier pour parfaire sa fermeture la rendant plus efficace.
Mélanie a, ensuite, habillé des plaques rigides d’un très beau tissu d’inspiration baroque de chez Tissus Laïk à Paris.
Chaque élément de la vaisselle de pique-nique que j’avais longuement chiné dans les temps où je rêvais à mon futur panier a été fixé avec des attaches en plein cuir travaillées à l’ancienne.
Nous avions choisi, ensemble, d’accentuer le caractère baroque et précieux du panier en fixant d’emblée sur l’intérieur du couvercle deux plateaux de la collection « Boudoir » en mille feuilles de kraft des designers francs-comtois Ibride design avec au centre un petit bougeoir marocain en prévision des soirées d’été qui s’étirent tard dans la nuit.
Enfin, sur le dessus du couvercle, Mélanie a gravé sur un rond de cuir cousu le chiffre des propriétaires de ce panier…
Maîtrisant l’art du sur-mesure dans une maroquinerie haut-de-gamme qui s’autorise bien des libertés, pour Mélanie de Watteville-Berckeim la confrontation avec le désir de l’autre est la source d’une créativité jubilatoire.
Mon Carnet de Notes
Mélanie de Watteville Berckeim. Sur rendez-vous uniquement. Tel : 06 81 43 57 46 – Email : melanie@wattevilleb.com – Facebook : Melanie de Watteville Berckheim – Instagram : ateliermwb.com
Les Tissus Laïk 6 rue Briquet 75018 Paris. Ouvert du mercredi au samedi de 12h30 à 19h. www.lestissuslaik.com
Ibride design. www.ibride-design.com
Pour ceux qui souhaitent découvrir d’autres rencontres avec des artisans d’art m’ayant réalisé des objets sur-mesure, je les invite à lire mon livre Le mouchoir de la duchesse, voyage au cœur de l’artisanat d’art. Riveneuve éditions. https://www.riveneuve.com/catalogue/le-mouchoir-de-la-duchesse-voyage-au-coeur-de-lartisanat-dart/
Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/
Vous aimez mon travail ? Permettez-moi de vous prévenir des prochaines parutions.
C’est magnifique !!!!!!!!! Ces créations donne envie…
Bravo Bérengère ! Et bravo à Mélanie de Watteville Berckeim !
Bon week end
Beau reportage et très beau travail !
Super beau travail ! Manque le porte saucisson et c’est complet ! Bravo à l’artiste et Merci du beau reportage
Magnifique chère Bérengère !!!
Merci pour le partage et bien amicales pensées,
Dominique
Superbe, comme d’habitude.
Bravo! C’est une grande satisfaction de pouvoir admirer un tel travail et pouvoir encore croire que dans ce monde si impersonnel et promouvant la rapidité d’exécution il existe encore des artisans, artistes qui prennent le temps d’une réalisation et sont fiers, ce à juste titre, du résultat obtenu!
Merci Bérengère pour nous présenter toutes ces créations pleines de savoir-faire et
de charme ! Quel joli travail ! Il est des « petites-mains » merveilleuses et talentueuses !
Très intéressant reportage et beau travail ! Ça donne envie, très bonne publicité pour » l’artiste »
Magnifique reportage et surtout la réalisation de Mélanie , superbe 😻 !!!