Le charme des promenades sur la Loire tient évidemment à la magnificence de ses rivages, à la diversité de sa faune et de sa flore, mais aussi au fait de croiser des bateaux traditionnels de ce fleuve. Ces bateaux d’antan qui ne servent plus au commerce sont reconstruits à l’identique par des passionnés et utilisent les mêmes techniques de navigation pour quelques pêcheurs et beaucoup de quidam comme vous et moi restés infiniment sensibles à la poésie d’un séjour de quelques heures ou de quelques jours sur l’un de ces moyens de locomotions qui nous relient, en pensée, à nos ancêtres et nous rattachent à ce grand tout qu’est le rythme de la vie se déroulant, finalement, toujours de même façon depuis des siècles. Monter dans un bateau en bois, c’est aller à la rencontre de traditions ancestrales et patrimoniales passionnantes et spirituellement nourrissantes.

Petit mémo de l’armateur ligérien

La gabare : Destinée au transport des marchandises entre les ports du fleuve dans les deux sens, ce gros bateau à voile de 20 m sur 3,60m et pesant 22 tonnes s’inspire des bateaux de mer tels ceux des Vikings qui hantèrent une partie du cours de la Loire. En chêne, large, souple, léger et à fond plat, il supporte les chocs et les échouages sur les graviers. Sa voile carré de 180m2 est en toile de chanvre, composée de morceaux rectangulaires de 1,10m de large, cousus ensemble.

La toue : est un peu le bateau qui sert à tout faire. Il mesure entre 10 à 15m de long pour 2,80 à 4 m de largeur et pèse entre 3,5 à 8 tonnes en fonction du bois utilisé. Parfois munie d’un mât et d’une voile plus petite que celle des gabares, il était utilisé par les pêcheurs de saumons et d’aloses. Personnellement, c’est un bateau qui me plaît beaucoup, probablement car il porte souvent une « cabane ». J’aime cette idée d’une cabane qui flotte et vogue doucement sur l’eau.

Le fûtreau : est le plus petit de tous les bateaux. Sa taille varie allant de 6 à 11 m en longueur pour 2 m en largeur. Il peut être équipé d’une voile et était l’outil du pêcheur, du passeur, du riverain.

Ainsi, après mon délicieux déjeuner à La Route du Sel au village du Thoureil, c’est, à nouveau, dans une toue sablière cabanée en bois avec gréement et voile traditionnelle que je monte en compagnie d’une dizaine de personnes. Alain Gillot, passionné du beau fleuve, est notre guide, nous emmenant pour plus d’une heure en croisière.

Ici, la Loire, sous sa nonchalance, ne me fait pas oublier son imprévisibilité parfois et la raison pour laquelle, par exemple, la nage y est interdite. Non seulement le débit du fleuve peut varier très rapidement par endroit mais, à cela s’adjoint des fonds très changeants que cela soit sur quelques centimètres à quelques mètres avec des trous d’eau extrêmement dangereux, une qualité d’eau non contrôlée portant donc de réels risques bactériologiques et une eau qui s’infiltre parfois dans le sous-sol constituant de véritables rivières souterraines. Enfin, pour clore le sujet, la Loire charrie beaucoup de sable formant des grèves ce qui signifie des endroits où le sable est particulièrement mouvant. La promenade en toue reste donc la meilleure façon de savourer la beauté tantôt spectaculaire, tantôt intime mais toujours renouvelée de cette eau somptueuse.

Peu d’espaces naturels en France offrent une aussi grande diversité de milieux sur un ruban de 10 km de large. Si bien qu’à la fois escale migratoire, lieu de nidification ou d’hivernage, la Loire loge, protège, choie fleurs, oiseaux, mammifères, amphibiens, insectes, ce qui lui vaut d’être inscrite comme site d’importance communautaire du réseau européen Natura 2000 en vue, notamment, de la protection de sa biodiversité et de ses écosystèmes.

Fermant les yeux je sens le vent sur mon visage, j’entends les sternes passer au dessus de nos têtes, le bonheur de cette promenade est, peut-être, aussi d’arrêter le temps. Je ne sais plus si je suis aujourd’hui ou hier dans un temps d’autrefois. Je suis juste bien, ici, là et maintenant, en communion avec le dernier grand fleuve sauvage de France, qui me comble.

Après Montsoreau et sa grâce, Saumur et son élégance, je savoure une certaine âpreté, une forme de rudesse, une impétuosité latente sur ces rives entre Saumur, le Thoureil jusqu’aux Ponts-de-Cé. Là un ciel somptueux, un rivage de roseaux courbés sous le vent, un reste de soleil se couchant dans un grand geste d’artiste poudrant d’or ce qu’il a sous la main, rendent persistant ce sentiment de l’instant à vivre juste pour la beauté du moment. Au passage, tout de même, je glisse dans mon carnet de notes que le beau pont que j’admire est l’un des rares, des seuls, enjambant la Loire jusqu’au milieu du XIXe siècle, avec ceux de Saumur, Nantes et Tours.

Et puis, à Sainte Gemmes-sur-Loire, je replonge un grand coup dans l’Histoire avec l’évocation d’un autre personnage : le roi René d’Anjou… le fameux… dit « le bon roi » René (1409-1480), duc et comte et roi… S’il fût fait prisonnier par Philippe III, a soutenu Charles VII contre les anglais pendant la guerre de Cent ans, a donc combattu au côté de Jeanne d’Arc, ce n’était pas un guerrier dans l’âme mais un amoureux des Arts, un fin lettré, un passionné des plantes, des jardins, s’intéressant à l’entretien des forêts, à la bonne santé des vignobles. Mécène parmi les plus curieux et les plus originaux de la fin du Moyen-Âge, il établit des liens étroits avec de nombreux artistes. Voyageur, il ramenait toujours avec lui, une foultitude d’espèces méditerranéennes que les jardiniers s’empressaient de semer et de sélectionner en les multipliant. Ainsi, petite graine cultivée fit, au long des siècles suivant qui prirent le relais avec notamment les apports du port de Nantes acheminant des plantes des Isles, le début de la célébrité verte de l’Anjou.

Dominant le fleuve bien large, noble et sauvage et offrant par là même un magnifique panorama allant de l’île aux chevaux jusqu’à la Pointe-Bouchemaine, le Jardin Méditerranéen de Ste Gemmes-sur-Loire est une parfaite évocation de cette naissance horticole.

Dans cet ancien enclos autrefois planté de vignes et d’arbres fruitiers, devenu un jardin planté d’espèces méditerranéennes adaptées au lieu grâce au microclimat dont jouit l’endroit, je m’amuse à lire le nom des plantes que j’ai auparavant respiré pour tenter de les deviner. Et je me promène parfois le nez au sol, parfois le nez en l’air tant tout est bien agréable de ce doux jardin, ses senteurs, sa vue, les jeux de lumière entre vignes, palmiers et oliviers… Peut-être ne me manque t-il, entre les mains, que le Livre du Cœur d’Amour épris, roman allégorique et enluminé de ce cher roi René…

… (prochain reportage : Au fil de la Loire -5 à découvrir le 17 octobre)

MON CARNET DE NOTES

Où dormir ?

Les Trois Lieux. Cette demeure du XIXe, ancienne usine de fabrication de hameçons, depuis transformée en hôtel offre un panorama sublime sur la Loire si belle aux Ponts-de-Cé. 10 port des Noues 49 130 Les Ponts-de-Cé tel : 02 14 03 03 53 www.les3lieux.com accueil@les3lieux.com

A faire. Que voir.

Se promener en toue sablière, oui oui à nouveau mais dans un autre cadre, une circonstance, avec un passionné de son sujet : Alain Gillot pilote et guide nature de Rêves de Loire & d’Ailleurs. Les balades durent classiquement 1h30 environ et se font par groupe de 12 passagers. Vous pouvez aussi choisir votre thématique, un parcours combiné à pied/vélo/canoë, des découvertes en itinérances et une merveilleuse formule évasion Loire avec bivouac en rive qui peut durer deux jours, le rêve…17 quai des Mariniers 49350 Le Thoureil tel : 07 86 18 52 10 www.revesdeloire.fr contact@revesdeloire.fr

Un jardin botanique de vignes, d’oliviers et de plantes aromatiques, clos de murs et ouvert sur la Loire. C’est ravissant et le contraste entre ce jardin maîtrisé et la Loire, à cet endroit, plus sauvage, est plein de charme. Jardin Méditerranéen. Clos des Vignes. Port Thibault 49130 Sainte-Gemmes-sur-Loire Tel 02 41 66 75 52 ouvert 24h/24h. Accès gratuit.

Ce reportage a été réalisé grâce à Anjou Tourisme www.anjou-tourisme.com

Les mesures sanitaires actuelles modifiant beaucoup la fluidité des accueils du public, je vous recommande vivement de regarder sur les sites et de vérifier les horaires pour chacun des lieux avant de vous y rendre.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/

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