Emblème de la vie maritime de la belle Phocéenne, la barquette Marseillaise est cette petite barque de pêche traditionnelle, la petite pêche côtière, incarnant le savoir-faire des chantiers navals de la ville. Dans l’anse du Pharo, le Chantier naval Borg, dépositaire du label Entreprise du Patrimoine Vivant, m’a ouvert la porte pour me raconter les secrets de cette fabrication ancestrale. En 2001, Denis Borg a repris l’entreprise créée par son père Michel en 1956 et pérennise les compétences techniques artisanales dont il a hérité. Ainsi, il réhabilite et restaure la gracieuse embarcation ou la construit sur commande uniquement.
Une brève histoire de la barquette Marseille
Bien que les origines du type de la barque de pêche remontent à l’Antiquité, la barquette Marseillaise au galbe si bien adapté à la navigation dans la baie de Marseille est issue des bateaux construits par les charpentiers de marine napolitains à la fin du XIXème siècle.
En 1897, Jules Vence ingénieur de chantier naval publia un premier plan de formes de la barquette Marseillaise.
Cette gracieuse barquette serait le résultat d’un souci d’amélioration des capacités d’évolutions des bateaux de pêche dans la rade.
La coque est longue de 4 à 9 mètres, plus large dans sa partie la plus large dit maître-bau et la poupe (l’avant) comme la proue (arrière) de l’embarcation sont plus arrondies.
Pour permettre une bonne tenue en mer, la forme de la coque est fabriquée suivant le célèbre gabarit de Saint-Joseph qui est un procédé ancestral de traçages.
Le capian, pièce d’étrave située à l’avant servant à amarrer le bateau, a une forme allongée rehaussée de « joues ». Symbole de virilité, sa forme et sa taille font office de signature du constructeur du bateau.
A l’origine, sa navigation se faisait à la voile ce qui permet de reconnaître les barquettes des autres bateaux.
L’apparition du moteur, à partir des années 1920, a légèrement modifié les formes de la barquette pour l’arrondir encore un peu plus à l’arrière.
Dans le même temps, elle est aussi devenue un bateau de plaisance et de pêche de loisir car elle offre une excellente tenue en mer et donc une réelle sécurité.
Le roof – une cabine ajoutée pour le confort des plaisanciers – apparaît dès 1920, confortant son nouveau statut.
De fait, la navigation de plaisance se démocratise et la barquette Marseillaise devient synonyme d’un merveilleux moment en mer en amoureux, en famille ou en solitaire.
Car elle est particulièrement bien adaptée à une mer courte et cassante telle qu’on la connaît en Méditerranée.
De faible tirant d’eau, se faufilant le long du littoral escarpé, rapidement et facilement hissée à l’abri, elle est d’une grande stabilité face aux sautes de vent.
L’affection qui lie le propriétaire à son esquif est telle que bien souvent, celui-ci est transmis à sa descendance de façon patrimoniale.
D’ailleurs, il n’est pas rare de nommer la barquette nouvelle et fraîchement sortie d’un chantier naval, du prénom du dernier né de la famille ou d’un cher disparu ou encore d’une épouse bien-aimée…
Lili, une barquette Marseillaise
Peut-être cela est-il le cas de la très jolie barquette Lili, sur laquelle j’embarquais avec Denis Borg pour éprouver par moi-même le plaisir d’une promenade maritime avec cette gracieuse petite barque.
Lili est classée monument historique.
Sa forme est donc pointue à l’avant et à l’arrière comme le veut la typicité de son état.
Avant d’aborder concrètement la fabrication de ces frêles embarcations, découvrons ensemble la grâce de Lili.
Le pont de Lili est latté en bois résineux (épicéa ou mélèze deux bois difficiles à différencier), sauf une réparation au niveau du mât qui a été faite en bois rouge.
Le pont a été décapé, étanchéifié et repeint par le Chantier naval Borg.
L’ensemble de la barquette a été entièrement restauré par le même chantier.
Lili dispose d’un mât et d’une bôme reposant sur un cabri.
Agée de 68 ans (1948/2016), Lili est le témoignage de la barquette marseillaise traditionnelle employée pour la pêche côtière.
Car une bonne centaine de ces barquettes ont gardé uniquement leur voile pour naviguer et une trentaine sont encore l’outil de travail de marins pêcheurs.
Au Chantier naval Borg, un savoir-faire ancestral
A l’entrée du Vieux Port, l’atelier naval Borg est dépositaire d’un savoir-faire qui lui a valu en 2008 d’être labellisé, car la construction et l’utilisation de la barquette Marseillaise sont inscrits à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel de France.
Certaines barquettes sont même protégées au titre des monuments historiques comme notre ravissante Lili susnommée.
Dans cet atelier avec vue sur mer et une bonne odeur de sciure du bois, Denis Borg est charpentier de marine.
Un charpentier de marine est un spécialiste de la construction navale légère, c’est-à-dire destinée à la pêche et la plaisance.
De fait, il réalise et assemble les membrures d’une coque, travaille à la fixation des bordés sur une charpente en bois et créé les aménagements intérieurs du navire.
Denis et ses stagiaires fabriquent des bateaux en bois à membrures sciées ou ployées à modèle dit pointu, donc celui très typique de la barquette marseillaise.
Cette construction est l’alliance architecturée d’une charpente axiale en chêne et d’une charpente transversale en frêne à laquelle on ajoute un bois résineux pour le bordé.
Les pièces sont réalisées à façon, sur mesure, puis assemblées traditionnellement, tel un immense puzzle et clouées avec des points galvanisés, l’étanchéité du bordé est assurée par le calfatage des coutures à l’aide de coton.
L’étoupe est utilisée pour les râblures.
En pratique, Denis fait une petite maquette puis il transpose au 10ème pour monter la barquette, avec dans les grandes lignes et par ordre d’entrée en scène dans la réalisation d’une barquette : la quille – ou colonne vertébrale du bateau – à monter puis, l’étrave, puis la pièce avant.
Ensuite, on met les membrures perpendiculaires à la quille, le bordé – c’est-à-dire ce qui peut être pensé comme étant la peau du bateau – et enfin, on calfate avec du coton entre chaque planche pour augmenter le niveau d’étanchéité.
La surface de la coque est égalisée par ponçage puis enduite d’un enduit de lissage.
Chaque bois relève d’une technique particulière.
Il faut compter environ huit mois pour construire entièrement une barquette Marseillaise.
Parfois certaines commandes prestigieuses leur permettent de recréer de toute pièce une barquette Marseillaise d’antan comme celle qui fut exposée dans un décor pour les journées du Patrimoine de septembre 2021 au Château de La Barben dans les Bouches-du-Rhône.
Chaque barquette est unique…
Denis Borg et son Chantier naval travaillent à la pérennisation de cette fragile mais confortable embarcation.
L’entretien d’un bateau en bois nécessite, tout autant que la construction, un véritable savoir-faire car chaque bateau est unique et aura besoin d’un programme de restauration ou d’entretien particulier, la philosophie du Chantier Naval Borg étant de rendre son identité originelle et traditionnelle au bateau restauré.
Le souhait de transmission et la générosité de Denis Borg font du Chantier naval Borg un lieu d’échange entre les générations autour d’une passion maritime commune.
Car si le coup de cœur l’anime pour le travail d’un artiste par exemple, Denis n’hésite pas à l’accueillir sur son Chantier pour lui permettre de créer une œuvre en rapport avec ce qui enthousiasme toutes les personnes franchissant le seuil de ce lieu.
La barquette Marseillaise représente, aujourd’hui, un certain art-de-vivre Marseillais et à ce titre fait partie intégrante de l’histoire et du patrimoine de la ville de Marseille, chaque barquette devenant un chapitre du livre unique qu’est le Vieux-Port…
Mon Carnet de Notes
Chantier naval Borg – 25 anse du Pharo 13007 Marseille tel 04 91 31 48 12 http://www.chantiernavalborg.com/
Ce reportage a été réalisé grâce à www.myprovence.fr et www.marseille-tourisme.com
Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/
Vous aimez mon travail ? Permettez-moi de vous prévenir des prochaines parutions.
Vraiment extrêmement intéressant. Cela donne envie de visiter le lieu. Merci.
que c’est beau !!!!
Manque plus que l’odeur du bois précieux pour vibrer tout à fait !
Toujours aussi intéressante et merveilleux, bravo et encore merci!!!!!!!!!!!!!!!!
Magnifique reportage…. Cela donne envie de parcourir la Méditerranée à bord de cette barque!!!!
Merci pour cette superbe découverte et cet excellent reportage!
Un grand merci pour ce reportage très intéressant, où l’on voit des gestes anciens se répéter pour mettre en valeur un beau patrimoine
Un très beau reportage et des photos splendides !!!!!!!!! Cela donne envie de naviguer dans ces jolies barques !
Toujours au Top Bérengère. Merci
Magnifique reportage avec de splendides photos !
Je verrai le Vieux Port et ses quais sous un autre angle !
Merci beaucoup !
Me permettez-vous de le partager pour mes amis de la région PACA ?
Oui bien sûr vous pouvez le partager, avec plaisir. Merci.
Oui bien sûr vous pouvez tout à fait le partager.
Merci , un très beau reportage et magnifiques photos!!!
Magnifique reportage j’ai appris pas mal de choses s s je peu de gens connaissent vraiment très interessant et de très belles photos. Bravo l’amour du métier et de la tradition avec bcp de savoir faire 👍👍
superbe reportage