La profession de luthier est une quintessence de poésie qui ne peut pallier à la main par la mécanique ou l’industrialisation. Toujours un luthier utilisera son savoir-faire manuel, sa dextérité, et la connaissance finement acquise par une pratique au long cours. Cela est tout autant valable dans la fabrication des instruments que dans la restauration de ces mêmes instruments. Car qui dit restauration dit potentiellement, instrument défaillant, souffrant, malade…avec qui il faut agir avec une délicatesse extrême. C’est en tous les cas, ce que je comprends lors de ma rencontre avec Maurice Beaufort, luthier à Besançon. Ce dernier, rompu aux techniques de restaurations les plus sérieuses acquises pendant plus de vingt ans, ne cesse d’enrichir sa pratique grâce aux échanges avec ses confrères notamment au sein du Groupement des Luthiers et Archetiers d’Art de France.
Originaire de la région parisienne, diplômé de l’école de lutherie de Mirecourt depuis 1989, puis formé dans différents ateliers en France et en Europe notamment aux Pays-Bas, Maurice Beaufort reprend l’atelier de son ancien patron Philippe Bodart en Franche-Comté en 2005 et se spécialise dans le réglage, la restauration et la réparation des quatuors à cordes (violons, alto, violoncelle) et des contrebasses auprès d’une clientèle essentiellement régionale ou venant, parfois, de plus loin.
Outre l’entretien des archets et des instruments, Maurice et son assistante, assurent la location de violons, altos, violoncelles et d’accessoires (étuis, cordes, coussins, colophanes, sourdines, supports, popote, pupitres etc.) en préparant les instruments pour le jeu. Ainsi, étudiants, professeurs d’écoles de musique, de conservatoires, musiciens professionnels fréquentent son atelier en toute confiance. Pendant mon reportage, j’ai pu discrètement assister au choix d’un violon d’étude par une toute jeune musicienne et il était évident qu’elle se sentait pleinement à son aise pour faire son choix.
Pendant ce temps-là, Caroline Marquis, l’assistante de Maurice, me présente les différentes étapes de la reconstitution d’un archet après réparation des pièces endommagées qui peuvent être le bouton cassé ou qui se sépare de la vis, un changement de plaques de tête ou bien, un redressage et un recambrage, ou encore la mèche qui faut changer, retendre et qui est l’opération la plus courante et la plus banale. Le reméchage se fait au bout d’un an pour un étudiant et tous les 3 à 4 mois pour un musicien professionnel. Un archet est constitué d’une baguette en bois de pernambouc, sur laquelle est fixée une mèche plus ou moins épaisse en fonction des goûts du musicien et, entièrement constituée de crin de cheval. Autour de cette structure de base fondamentale, on trouve de toutes petites pièces incontournables au bon fonctionnement de l’objet comme la hausse, le bouton, le recouvrement, la plaque de tête et le tout se répare et se recompose avec art et maitrise…
Une fois, la jeune fille au violon repartie avec son instrument sous le bras, Maurice m’explique sa démarche, sa philosophie et son savoir-faire, en me montrant différents instruments qui ont tous besoin de ses soins pour étayer son propos. Ici, un violon dont les bords sont rongés et qui bénéficiera d’une greffe de bois ou pièce de bord, là un autre touché par les vers, plus loin, un autre en cours de guérison qui a déjà un nouveau taquet à l’intérieur… Les principes de restauration des instruments de musique sont les mêmes que pour une œuvre d’art : il s’agit de préserver l’objet au maximum car c’est un organisme vivant.
Toutes les réparations seront donc réversibles. Elles peuvent être : le collage de cassures, l’enture, le rebarrage, la retouche de vernis etc. La restauration d’un instrument dépend essentiellement de la qualité de l’instrument tout en sachant qu’elle sera effectuée avec la même minutie, la même attention que cela soit sur un violon d’étude ou un violon de professionnel. Il est possible de tout restaurer dans un instrument mais la valeur de l’instrument décidera pour beaucoup de ce qu’il est raisonnable ou non de faire.
Maurice tente toujours de conserver le plus possible du bois et du vernis d’origine sur un instrument. Certains instruments, ayant déjà reçu plusieurs réparations au cours de leur vie, arrivent, dans son atelier, en très mauvais état comme un violoncelle qu’il me montre avec de nombreuses cassures et des réparations antérieures très mal réalisées. Ce genre d’instruments lui demande beaucoup de réflexions sur la façon dont il va agir car lorsque l’on restaure un violon, il faut l’ouvrir, puis ouvrir toutes les cassures, les nettoyer, les recoller, les renforcer et ensuite faire les retouches de vernis nécessaires qui se limitent toujours aux parties réparées. La fracture doit être la plus invisible possible d’où la nécessité d’œuvrer avec habileté, subtilité, et la plus grande des adresses.
« Les mauvaises restaurations montrent parfois des cassures qui ne sont pas recollées au niveau ou bien qui sont grattées alors qu’il ne faut jamais gratter, me précise Maurice car dès que le restaurateur gratte, il enlève du bois et du vernis d’origine. » Toutes ces actions sont une atteinte à l’intégrité de l’instrument et lui causent des dommages irréversibles qu’il est parfois impossible de rattraper malgré tout le soin que notre artisan peut lui apporter. Un luthier-restaurateur a donc dans ses mains la vie d’un instrument. Même si l’instrument est éclaté, il doit pouvoir tout récupérer et le recoller, le reconstruire entièrement.
Toujours sur ce même instrument, décidément bien malade, Maurice Beaufort me montre le dégât des vers qu’il a subi ce qui ajoute une nouvelle difficulté à sa future restauration. Pour connaître le stade de certaines maladies, il est parfois nécessaire de faire des radios pour avoir une vision plus précise de l’état de l’instrument.
Notre luthier reçoit couramment des instruments nécessitant énormément de restaurations. Pour chacun, il s’agit de respecter son harmonie, son esthétique pour lui permettre de retrouver son timbre dans toute sa beauté car Maurice ne fait aucune différence, pour lui un « petit » instrument doit sonner aussi bien qu’un « grand » et, dans son bel atelier, chacun bénéficie de toute son attention et de sa connaissance.
MON CARNET DE NOTES
Atelier de Maurice Beaufort – 5 rue Rivotte – 25000 Besançon- Tel 03 81 81 30 98
Email : maurice.beaufort@wanadoo.fr site : www.beaufort-luthier.com
Si vous souhaitez venir déposer le violon, oublié dans un grenier, de votre arrière-grand-père, n’hésitez pas à vous loger au très bel hôtel Le Sauvage 6 rue du Chapitre 25000 Besançon. Tel : 03 81 82 00 21 http://hotel-lesauvage.com/fr/
Ce reportage a été réalisé grâce à Bourgogne Franche Comté Tourisme 4 rue Gabriel Plançon 25044 Besançon Cedex www.bourgognefranchecomte.com
superbe
Métier qui se perd malheureusement….
Superbe reportage
Il ne peut pas se perdre, Hélichryse… Il y aura toujours des violonistes, des violoncellistes… et donc toujours des instruments qu’il faudra réparer, soigner, chouchouter…