Sur les hauteurs de la très jolie ville de Bar-le-Duc, dans la Meuse, se trouve un musée peu fréquenté mais plein de charme et de beauté en son éclectisme sans lourdeur : le Musée barrois. Il appartient à cette catégorie de lieux dits « petits musées » présentant, pourtant, souvent, tous les avantages d’une délicieuse promenade par temps de pluie comme par nécessité spirituelle. Recharger son quota d’émotions artistiques face aux œuvres d’art est vital. En tous les cas, cela m’est personnellement vital et je cumulais les deux conditions lorsque je le découvris, il y a quelques mois.

Cet élégant musée est situé dans le château des ducs de Bar. Nous devons à Frédéric duc de Haute Lorraine, à la fin du Xe siècle, l’édification d’un château fort sur l’éperon rocheux qui domine la vallée de l’Ornain. Plusieurs fois remanié au fil des siècles, de fort, le château se fit palais puis, oublié, fût si dégradé qu’il fût démantelé, sur ordre de Louis XIV, en même temps que les remparts en 1670.  Seuls restèrent debout le Neuf-Castel, la salle d’audience de la Chambre des Comptes et la salle du Trésor des Chartes, ensemble architectural que le musée intégra en 1970. Depuis 1981, ces vestiges sont inscrits au titre des Monuments historiques.

De son côté, le Musée barrois naquit dans l’esprit de Théodore Oudet, alors architecte départemental, durant les premières décennies d’un XIXe siècle éminemment favorable à la création de musées dans un grand nombre de villes de province. Pourtant, le futur conservateur dût attendre l’année 1841 pour qu’enfin, son projet se réalise et soit créé dans l’ancien hôtel de Florainville place Saint-Pierre, à Bar-le-Duc.

La base du musée fût créée autour d’objets offerts par des particuliers et des moulages d’antiques déposés par le ministère de l’Intérieur. Puis, grâce aux nombreux donateurs, ce fond s’enrichit de collections de médailles, de tableaux, de sculptures, de pièces dans un esprit universel et encyclopédique. A ces dons, s’ajoutèrent les achats en ventes publiques et les envois de l’Etat.

Quelques autres dates rythmèrent l’évolution de ce lieu, tel 1966, lorsque la Société de Géographie de l’Est céda ses collections à la ville de Bar-le-Duc laquelle les intégra à son musée constituant ainsi l’une des plus riches sections ethnographiques de Lorraine avec des objets issus des cinq continents. Ou encore 2003, lorsque le musée obtint le label « Musée de France » garantissant, ainsi une gestion respectueuse des collections et la mise en place d’actions de valorisation de qualité. Enfin, c’est en 1974 que le musée intégra les vestiges du château des ducs de Bar.

Quand j’y entrais trempée de pluie, il n’y avait personne cet après-midi là et tout le musée était pour moi seule, bonheur… Dès la première salle, je fus séduite par le mélange exquis de légèreté et de grâce de l’installation pédagogique et pourtant sensible des lieux : Un tableau de J-B.van Loo représentant le duc Stanislas Leszczynski voisinait avec une collection d’histoires naturelles… Tout au long des treize salles, ce sentiment resta pérenne en moi même si, peut-être, rétrospectivement, j’appréciais plus particulièrement les salles du rez-de-chaussée où j’aurais bien passé un peu plus de temps. Le cabinet de curiosité me rappelant que l’art d’exposer des naturalia et artificialia ornant les cabinets et autres Wunderkammern du XVIe siècle fut un jalon incontournable d’appréhension du collectionnisme et de l’intérêt que l’on portait à l’inconnu dans le sens le plus large qui soit…et que l’on trouve délicieusement représenté ici.

La très belle salle voûtée du Trésor des Chartes, est aussi dans mes préférences. A son entrée un bel écorché dit Le Transi de René de Chalon du régional et célèbre sammiellois de la Renaissance Ligier Richier fait les honneurs… Mon inclinaison pour la représentation macabre en tout genre trouva probablement ici un nouvel objet d’affection.

En laissant à ma gauche ce beau Décharné, et descendant quelques marches pour pénétrer sous les voûtes gothiques, j’appréciais une remarquable collection de sculptures lorraines créées entre le XIIIe et le XVIIe siècle.

A l’étage, les premières salles évoquent les écoles de peinture française et étrangères allant du maniérisme au néoclassicisme. Et quelle beauté que cette Sainte Cécile de Vaccaro ! Pleinement caravagesque… quelle merveilleuse expressivité ! Le paysage se décline, lui aussi, des premiers exemples flamands aux paysages de ruines dans la veine d’Hubert Robert, en passant par les scènes champêtres chères au XVIIIe siècle. Le beau mobilier et les arts décoratifs ne sont pas en défaut avec notamment une collection de faïences des Islettes, principale manufacture argonnaise active de 1735 à 1848.

Les salles suivantes présentent la collection de peintures du XIXe siècle dans la diversité de ses genres et des nombreux mouvements qui l’ont parcouru : l’ingrisme, l’orientalisme, l’académisme, une très belle Rentrée du troupeau le soir de Guillonnet, post-impressionniste, et que j’ai particulièrement aimé pour cette atmosphère évoquant le ballet L’après-midi d’un faune… Au centre des pièces, j’admirais aussi une collection de bronzes du XIXe siècle avec certaines pièces prestigieuses dont un Victor Hugo en exil à Guernesey de Jean Boucher ou un Printemps d’Auguste Rodin.

Dans l’une des dernières salles,  la collection se complète d’une sculpture contemporaine particulièrement imposante : Le Mangeur de gardiens. Cette œuvre philosophique et composite du meusien Ipoustéguy fut réalisée en 1970 et installée par l’artiste dans le musée, quelques années avant sa mort. Une dramaturgie inquiétante se dégage de l’installation : Un personnage hiératique, évoquant les civilisations anciennes et l’art populaire, mastique on ne sait trop quoi, au milieu d’une table chargée d’objets hétéroclites, d’excréments, d’os, de crânes. Pour l’artiste, tout ou presque dans la vie de l’homme suivrait un cycle naturel (manger, digérer, déféquer) que l’acte soit de l’ordre de la survie primaire ou bien plus élaboré comme l’acte de l’apprentissage, de la compréhension et de l’imagination.

Toutes ces collections exposées sont remarquablement dynamisées par les couleurs franches et puissantes dont sont peints les murs. Des verts audacieux, des rouges flamboyants, des bleus pâles délicats scandent chaque pièce, lui conférant une identité précise et moderne, une empreinte contemporaine dont on se souvient en quittant le musée et qui cisèle ainsi la dimension intemporelle de toute œuvre d’art.

En fin de parcours, la section d’archéologie regroupe des objets provenant dans leur majorité de l’antique Nasium (Naix-aux-Forges) et de Caturiges (Bar-le-Duc). Présentant les productions et techniques mises en œuvre dans le Barrois de l’époque gauloise jusqu’au Haut-Moyen, cette collection est riche de quelques pièces gallo-romaines exceptionnelles et de belles parures mérovingiennes damasquinées. Surplombant les vitrines d’expositions au charme un brin suranné, une très belle Déesse-mère datant du Ier siècle, solennelle et superbe, évoque l’art de la sculpture aux premiers temps de la civilisation gallo-romaine.

Enfin, apothéose de cette visite, la section ethnographique – dont je me suis délectée! – héritière de la Société de Géographie et d’Ethnographie constitue un parfait témoignage de la politique d’expansion coloniale. Chacun de ces objets illustre soit la vie quotidienne, soit l’art de la guerre, ou encore les rites et traditions religieuses de l’Afrique, l’Océanie, l’Extrême-Orient et le Magreb. Au centre de cette salle trône un zémi daté du XIIe siècle. Ce rare vestige de la culture taïno, pièce maîtresse de ce bel ensemble ethnographique et sorte de Joconde du Musée barrois, a la drôle d’histoire d’avoir été considéré comme un porte parapluie à l’entrée du musée, et ce pendant plusieurs années. Jusqu’au jour où, bien heureusement, un spécialiste repérant l’objet lui rendit son statut d’oeuvre la plus importante de la culture des Antilles car étant utilisée lors de cérémonies religieuses. Aujourd’hui, seuls cinq zémis sont recensés dans le monde dont celui de notre beau Musée barrois…

Mon Carnet de Notes

Musée barrois – Esplanade du château – Rue François de Guise – 55000 Bar-le-Duc – Tel : 03.29.76.14.67 Email : musee@meusegrandsud.fr museebarrois.eklablog.fr/accueil-c520768. Ouvert toute l’année du mercredi au dimanche de 14h à 18h. En juillet et en août, le Musée barrois est ouvert tous les jours de 14h à 18h (sauf les 14/07 et 15/08). Il est gratuit pour les – de 18 ans, les personnes handicapées, les demandeurs d’emploi et chaque premier dimanche du mois.

Se loger

La Villa des Ducs, une maison d’hôte tenue par Stéphanie Daniaud a la particularité bienvenue d’offrir un accès handicap non seulement extrêmement pratique mais aussi particulièrement élégant. Cela est suffisamment rare pour être souligné et en faire une valeur supplémentaire à son excellent accueil. 61 bld Raymond Poincaré 55000 Bar-le-Duc www.lavilladesducs.fr contact@lavilladesducs.fr tel : 06 81 22 56 97

Ce reportage a été réalisé grâce à Meuse Attractivité Centre d’affaires Coeur de Meuse ZID Meuse TGV – 55220 Les Trois Domaines tel : 03 29 45 78 40 www.lameuse.fr #lameuse #MeuseTourisme.

(Prochain reportage à paraître le 1er mai… Nous pousserons la porte de l’atelier d’une artisan d’art relieuse et restauratrice de livres anciens…)

Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/

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