Pour ce cinquième et dernier volet de mon voyage au fil de la Loire angevine, je vous propose de découvrir deux ou trois villages de caractères contenant chacun des beautés et de finir notre joli périple par une visite du splendide château de Serrant.

Non loin de St Gemmes-sur-Loire, où j’étais restée rêveuse, le roman du roi René fantasmé en main, Bouchemaine m’offrit une Loire toujours plus sauvage, belle, vaste, dense. Chaque rue et ruelle de ce ravissant village à la confluence de la Maine et du royal fleuve, m’amenait sans discourir comme un aimant vers ces eaux scintillantes d’un bleu d’encre profonde entre les verts des îlots d’arbres, de roseaux, d’herbes folles. J’aurais bien pu emprunter le chemin de halage pour la longer, hypnotisée que j’étais par la puissance contenue que je percevais au-delà de son élégance, de sa grâce.

Pourtant, à La Pointe-Bouchemaine, une quinzaine d’ateliers d’artisans locaux sont représentés dans une galerie portant le nom bien à propos de Confluence. Il m’était obligatoire de rencontrer les créations singulières de ces artistes aux savoir-faire si variés. Qui est céramiste, qui est ferronnier-fondeur, qui est osiériste-vannier, restaurateur d’objets anciens, abat-jouriste, sculpteur, calligraphe, bijoutier, couturier, illustrateur etc… Permettant de promouvoir divers métiers d’art, l’association Confluence des Arts accueille et expose six créateurs de façon permanente et des créateurs invités sur une période de deux à trois mois, tout en organisant des évènements annuels récurrents associés par exemple aux Journées Européennes des Métiers d’Art ou à Noël où l’occasion est belle de préparer ses cadeaux. Personnellement, je repartis avec quelques pièces, uniques bien évidemment, qui sont encore dans mes utilisations quotidiennes et m’évoquent ainsi, tout particulièrement, Bouchemaine et ses scintillements.

A Savennières, petite cité de caractère, outre le charme du village, je découvris un véritable trésor qui mérite à lui seul, une pause inévitable par ces lieux. Sortant de l’église romane de Savennières, je discutais avec le gardien des lieux qui offrit de m’ouvrir l’ancien presbytère en me promettant merveille ! Rien de tel pour titiller ma curiosité qui fût largement comblée quand je découvris la salle des toiles peintes bien protégées par l’ombre, la nuit, le noir enfin, maintenu en continu dans la pièce.

L’ancien presbytère de Savennières a été construit au XVIIIe siècle, en deux temps bien visibles dans son traitement architectural. La vaste pièce où se trouvent ces somptueuses toiles peintes abrite, donc, un ensemble exceptionnel de peintures à l’huile sur tentures. Huit panneaux en toile de lin et chanvre posée sur baguette et constitués de bandes de 79 cm de large cousues horizontalement sur trois hauteurs sont d’une longueur totale de 19,40 m sur 2,50 m de haut. Elles évoquent immanquablement les tapisseries d’Aubusson ou de Felletin, ces fameuses « verdures » du XVIIe siècle où, maisons, pièces d’eau, paysages arborés et bien souvent volatiles un peu étranges au premier plan composent un ensemble baroque très caractéristique.

Je fus particulièrement impressionnée par la qualité des couleurs et par la chaleur de leurs teintes. Oh ! Ce bleu de Prusse… quelle beauté ! Ces peintures ne sont ni datées ni signées mais, après moults recherches, les experts estiment qu’elles furent réalisées dans les années 1770 par un certain Marie-Louis-Claude Coulet de Beauregard à la demande du curé Halnost. Ce peintre, natif d’Enghien et ancien élève de l’Académie Royale, installé à Angers, après la suppression de son allocation d’artiste en 1773, aurait été dans la nécessité vitale de proposer toute sorte de peinture aux angevins et pourrait bien, ainsi, être l’auteur de ces toiles peintes considérées comme une œuvre unique aujourd’hui. Tant par la qualité de leur réalisation, que par leur état exceptionnel de conservation, elles ont été inscrites en 1987 au répertoire des Antiquités et Objets d’art du Maine-et-Loire et il est sincèrement impossible de les omettre sur le fastueux fil de Loire que nous suivons !

Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, Béhuard, qui venait ensuite dans mon voyage, fut une douce pause accompagnée du souvenir de ces peintures qui ne m’ont plus quittées de la journée. L’entrée dans ce village-île sur la Loire est charmante. Ceinturée par deux bras du fleuve, cette commune, se situant à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest d’Angers, est la plus petite des Cités de Caractères angevines ne comptant qu’une centaine d’habitants à l’année et permettant une promenade en solitaire, paisible et contemplative. Pourtant, cela n’empêche pas la délicieuse cité intemporelle d’offrir les plaisirs d’une guinguette, d’une crêperie, d’un bar, les joies de la pêche… Pour moi, vous l’aurez compris, j’ai savouré sa poésie en marchant souvent le nez en l’air et en me délectant de sa personnalité d’antan.

Enfin, pour clore ce somptueux voyage ligérien, le plus princier des châteaux d’Anjou m’ouvrit ses portes, un matin… Le domaine de Serrant est un témoignage unique de la vie d’un château et du travail assidu et constant de ceux qui y ont vécu et travaillé pour le préserver. Classé Monument Historique depuis 1948, il ouvrait ses portes au public en 1954. Sa riche collection de meubles rares – Dans le grand salon, le cabinet d’ébène est une splendeur ! -, d’objets précieux, de tapisseries, de tableaux, le place indéniablement parmi les châteaux les mieux meublés de France.

Le sentiment de vie quotidienne est ainsi maintenue d’une façon presque troublante, tant les lieux semblent naturellement occupés et vivants. En ce sens, les pièces les moins inattendues étant peut-être la cuisine et la lingerie qui, pourtant, narrent avec une réelle théâtralisation la vie de la domesticité et les tâches accomplies durant des siècles avant l’arrivée des technologies modernes. Bien sûr, certaines pièces me feront mentir car elles portent haut la dimension d’apparat et pourtant, la chambre de la Duchesse avec son élégant et confortable mobilier contemporain semble bien proche de nous.

Enfin, la bibliothèque contenant plus de 12 000 livres datés du XVe siècle au XIXe siècle ayant parmi ses trésors, la première édition complète de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert et les Fables de la Fontaine illustrées par Oudry, a vu ses ouvrages classées au Monument Historique en 2001. Et là, tout amoureux du livre se perd dans une rêverie douloureuse de frustration, hypnotisée d’émerveillement, palpitante, avide… Je reste admirative, encore et toujours, devant ces livres qui traversent les Temps pour arriver jusqu’à nous. Merci à ceux qui, au fil des siècles et des ans, les protègent, les conservent. Cette incroyable bibliothèque privée est un formidable contrepoint au musée d’art contemporain de Philippe Méaille au château de Montsoreau, comme à l’abbaye Royale de Fontevraud, et aux caves-galeries d’art Ackerman. Ils résument, tel un bréviaire ligérien finement enluminé d’or, la place et l’attention portée à l’art, la culture, le patrimoine au fil de la Loire angevine.

MON CARNET DE NOTES

Où dormir ?

Au bout de l’île. Pour le ravissant jardin avec, en effet, un petit quelque chose au bout de nul part… et où l’on peut se « perdre » soir ou matin, à la convenance de chacun. Au Bout de l’île – lieu-dit « la queue de l’île » -49570 Montjean-sur-Loire tel 06 75 12 80 63 https://auboutdelile.fr

Où déjeuner

Le chenin est un bistrot gourmand avec une cuisine du marché bien sympathique. En cave, des vins locaux et après le repas ou avant vous pouvez découvrir les belles peintures de l’ancien presbytère, une raison évidente de s’y arrêter. Le chenin – 1 rue de la Mairie 49170 Savennières. Tel : 02 44 01 84 51 lechenin@sfr.fr

A faire. Que voir.

La galerie Confluence organise certaines manifestations qui permettent de rencontrer les artistes dans leur atelier et vous retrouvez toutes leurs créations dans des expositions permanentes à la galerie. Galerie Confluence – 10 rue Port Boulet 49080 Bouchemaine/La Pointe tel 09 73 57 23 19 du 1er octobre au 1er mai ouvert mercredi, vendredi, samedis, dimanches et jours fériés de 14h à 18h https://www.confluence-des-arts.fr/  contact@confluence-des-arts.fr

Les peintures de l’ancien presbytère de Savennières. Pour des raisons de sécurité et de conservation, la salle est fermée au public mais des visites peuvent être programmées en s’adressant à la Mairie de Savennières – 4 rue de la Cure – 49 170 Savennières tel 02 41 72 85 00 https://www.savennieres.fr

Visiter le domaine FL- le Chai surplombant la vallée de la Loire avec 50 hectares de vignes cultivées en bio. Prendre un temps de dégustation dans le caveau design ou dans le concept-store boutique. Il est aussi possible de réserver la table d’hôte, particulièrement élégante, pour un repas entre amis ou en famille. Domaine FL – Le Chai – Route de Beaulieu 49170 Rochefort-sur-Loire Tel 02 72 73 50 36 02 72 73 59 16 oenotourisme@domainefl.com https://www.domainefl.com

Le Château de Serrant en visites libres, guidées ou théâtralisées. Un incontournable angevin ! Domaine de Serrant. 49170 St-Georges-sur-Loire Tel 02 41 39 13 01. Ouvert du mercredi au dimanche de 9h45 à 17h15. https://www.chateau-serrant.net

Ce reportage a été réalisé grâce à Anjou Tourisme www.anjou-tourisme.com

Les mesures sanitaires actuelles modifiant beaucoup la fluidité des accueils du public, je vous recommande vivement de regarder sur les sites et de vérifier les horaires pour chacun des lieux avant de vous y rendre.

( Prochain reportage à paraître le 31 octobre… Je vous emmènerai dans le Tarn…)

Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/

Vous aimez mon travail ? Permettez-moi de vous prévenir des prochaines parutions.