Vision saisissante de l’extérieur comme de l’intérieur, la cathédrale Sainte Cécile à Albi est la cathédrale des superlatifs. Massive et tenant plus de la forteresse que du lieu de culte vue de loin comme de près, a contrario, elle renferme une décoration intérieure littéralement exubérante et somptueuse.
Sainte Cécile la cathédrale des superlatifs
Elle est ainsi la plus grande cathédrale de briques au monde, longue de 113m pour 35m de largeur avec 30m sous la voûte.
En haut de ce château-fort de brique culmine un clocher-tour de 78m de haut.
Et il aura fallu un peu plus d’une centaine d’années pour achever le gros œuvre de ce bâtiment hors du commun et une autre centaine d’années (en plusieurs tranches) pour la terminer.
Elle est aussi la plus grande cathédrale peinte en Europe avec ses 18 500 m2 de fresques et de décorations qui se lisent comme une Bible illustrée tant par des artistes flamands que des artistes italiens ayant composé ce qui est considéré comme le plus vaste ensemble de peintures de la Première Renaissance réalisé en France recélant la plus grande représentation médiévale du Jugement dernier au monde.
Enfin, c’est au dessus de cette magnifique peinture que se trouve un orgue exeptionnel.
Cet instrument aux dimensions hors du commun (16,40m de large – 15,30m de haut – plus de 3500 tuyaux – 4 claviers – 43 registres – un pédalier) a été réalisé au début du XVIIIe siècle par le facteur d’orgue Christophe Moucherel (1686-1761 ).
Cet orgue fut complété tout au long du XVIIIe siècle et particulièrement modifié par Théodore Puget vers 1903-1904 qui le transforma en orgue symphonique.
Mais une restauration d’envergure conduite par Barthélémy Formentelli de 1971 à 1981 lui restitua ses timbres d’origine et fait désormais de cet instrument le plus grand orgue baroque français.
Une cathédrale conçue comme un message militant
Profondément ancrée dans un contexte historique et régional, cette cathédrale est la troisième, peut-être même la quatrième cathédrale d’Albi.
La première, datant de l’époque gallo-romaine, brûla en 666 dans un incendie qui ravagea la ville.
La deuxième fût un sanctuaire d’époque carolingienne dont on a perdu toutes les traces.
Ce sanctuaire fut repris ou entièrement reconstruit dans le style roman du XIIe siècle, puis restauré au XIIIe siècle mais il était complètement délabré à la fin du siècle, si bien que dès 1270, l’évêque en place, Bernard de Combret, évoqua la construction d’une nouvelle cathédrale.
Sept ans plus tard, Bernard de Castanet (1240-1317), son successeur nouvellement nommé au siège d’Albi, prendra la décision de lancer le chantier le 18 janvier 1277.
La nécessité de cette entreprise était double pour Bernard de Castanet.
Il lui fallait répondre d’un côté à l’ingérence du roi de France qui venait de récupérer le Languedoc et de fait, cherchait à le contrôler s’immisçant dans la gouvernance du seigneur-évêque d’Albi, et d’un autre côté, à la persistance de l’hérésie cathare dans la région.
Les cathares prêchaient notamment pour une église pauvre, rejetant toute création matérielle, palpable comme les églises…
Ce nouvel édifice devait envoyer un message fort exprimant le lien indéfectible de l’Albigeois à la foi catholique et à son identité occitane.
Par exemple, le choix d’une construction en brique foraine, matériau pauvre, fût notamment l’une des réponses aux cathares, ainsi qu’une apparence architecturale particulièrement austère, le style tranchant totalement avec le gothique des cathédrales de Chartres, de Reims ou d’Amiens qui lui sont, pourtant, contemporaines.
Pour réaliser ce vaste projet, l’évêque a, vraisemblablement, fait appel à l’architecte catalan Pons Descoyl spécialisé dans la construction d’ouvrages militaires.
Ensemble, ils imaginèrent une véritable forteresse de Dieu et un joyau du gothique languedocien.
Dieu dit : « Que la lumière soit. »
La première brique est posée le 15 août 1282 en contrebas de ce qui sera la chapelle axiale au chevet de la cathédrale, à l’Est comme pour toute construction religieuse à l’époque.
A l’Orient se lève la lumière et cette orientation évoque la création de l’univers dans la Genèse.
Au bas de la chapelle axiale de la cathédrale s’écrit ainsi la genèse du bâtiment.
Dans cette chapelle dédiée à la Vierge Marie sera enterré l’évêque mécène Louis 1er d’Amboise à l’origine de toute la décoration intérieure de la cathédrale faisant venir dans la ville sculpteurs bourguignons, peintres français et ateliers italiens.
Depuis ce temps, et ad vitam aeternam, chaque matin de chaque jour, les rayons du soleil levant percent le vitrail de la chapelle axiale et se réfugient dans les bras de la statue de Syméon installée dans le jubé.
Selon les évangiles, le vieillard vivait au temple de Jérusalem lorsque Jésus enfant fût présenté au temple. Syméon le vit et reconnut en ce bébé le Messie tant attendu par le peuple Juif.
Syméon fût ainsi le premier à voir la Lumière Divine : Car mes yeux ont vu le salut que tu (Dieu) préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations…(Evangile selon St Luc 2, 22-44).
Et, chaque matin dans la cathédrale Sainte Cécile, la lumière vient se blottir dans ses bras.
La construction de l’édifice progressa depuis l’abside orientale de façon symétrique, une fois au nord, puis au sud et verticalement jusqu’au voûtement travée par travée.
La première messe fut célébrée le 23 avril 1329, dimanche de Pâques par l’évêque Béraud de Fargues qui sera le premier évêque inhumé dans le chœur du nouvel édifice.
La base du futur clocher-donjon fût construite entre 1360 et 1365 jouant, visuellement, dès cet instant un rôle militaire pour la ville d’Albi.
Le gros œuvre fut achevé autour de l’année 1390, environ cent-dix ans après la pose de la première brique.
Il faudra encore une centaine d’années éparpillées au fil des siècles pour terminer l’intégralité du monument.
« Au milieu de la nuit, je me lève pour te célébrer »
Dans la nuit, une voix très pure, la plus pure parmi les voix de la maîtrise de la cathédrale, s’élève, elle chante Jube domine benedicere… Daignez, Seigneur, nous bénir…
Le premier de ces trois mots qui ouvrent l’office des matines destiné à sanctifier le temps de la nuit, donna ainsi son nom au Jubé, cette clôture séparant la nef du choeur, les fidèles du clergé, le profane du sacré.
La réalisation de la clôture du chœur des chanoines est située à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, sous l’épiscopat de Louis 1err d’Amboise que j’ai déjà évoqué plus haut.
Ce chef d’œuvre de la sculpture de la fin de la période gothique et du début de la Renaissance est en calcaire.
Son architecture est caractéristique du style gothique flamboyant.
Si la nef avec le Christ en croix se détachant sur les voûtes peintes impressionne générant un sentiment de grandeur écrasante, la splendeur de cette clôture émerveille littéralement le promeneur.
Ce statuaire en pierre polychrome présente, en une expressivité remarquable et étourdissante, trente-deux figures importantes de l’Ancien Testament dont Syméon sur les extérieures de la clôture, auxquels font écho les apôtres du Nouveau Testament ainsi qu’une Vierge à l’Enfant disposés dans le rond-point intérieur en compagnie de soixante douze anges, tous différents et d’une finesse époustouflante, dominant cent vingt stalles de bois.
Cette partie nommée le Grand Chœur est, toujours, la plus sacrée d’un édifice religieux.
C’est en ce Grand Chœur que les offices étaient chantés en grégorien par les chanoines.
Cette clôture est l’œuvre de grands imagiers du royaume, sans doute l’Avignonnais Antoine Le Moiturier et le Berrichon Michel Colonbe.
« Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
La peinture du Jugement dernier fût, elle aussi, réalisée à la demande de Louis Ier d’Amboise à partir des années 1480 et probablement sur une vingtaine d’années.
Son auteur serait l’enlumineur parisien François Barbier fils décédé en avril 1501.
Cette vaste peinture à la détrempe c’est-à-dire à sec, est impressionnante voire terrifiante et à vocation incontestable d’édification.
Le Ciel, la Terre et les Enfers sont mis en scène sur plus de 200m2 de surface.
Au registre du bas sont figurés les punitions des sept péchés capitaux (orgueil, envie, colère, paresse, avarice dans le sens de l’appât du gain permanent, gourmandise allant vers la gloutonnerie, luxure) incarnés par les impies, personnages évidemment « laids comme les sept péchés capitaux » propulsés dans les Enfers…
Au registre du haut l’on retrouve la parabole du Jugement dernier que l’on peut lire dans l’évangile de Saint Matthieu (25, 31-46) : En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. (…)“Venez, les bénis de mon Père, (…) Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”(…) il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, (…)Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
Ce Christ-Juge central entouré de la Vierge Marie et de Saint Jean-Baptiste est aujourd’hui disparu de la composition picturale mais l’on voit toujours à notre gauche les sauvés, les Justes qui montent au Paradis et les Damnés, visuellement à notre droite, qui descendent aux Enfers.
Comme une Bible illustrée, spectaculaire et saisissante
La réalisation des peintures des voûtes, des tribunes et des chapelles basses succéda à celle de ce Jugement spectaculaire aux débuts du XVIe siècle.
Cet autre très vaste chantier s’étend sur une surface de 18 000 m2.
Les voûtes peintes a la fresco c’est-à-dire sur un mortier frais sont l’œuvre de différentes écoles de peintres venus d’Italie tels Capri, Vienne, Bologne…
Pour se faire, les artistes se sont juchés sur des échafaudages à 30 mètres de hauteur et ont ainsi réalisé leurs fresques.
Finalisées en 1512, elles n’ont encore jamais été restaurées et leur riche polychromie où dominent les tons d’or et du bleu de France encore appelé bleu de roi est somptueuse.
Sur ces voûtes, d’Est en Ouest se déroulent une Bible ouverte comme un programme théologique visuel et monumental chargé de nous guider vers notre salut.
Au dessus du déambulatoire, se trouvent les personnages de l’Ancien Testament, quand ceux du Nouveau Testament surplombent le Chœur.
La crucifixion domine le Jubé, puis l’on découvre des scènes issues des Actes des Apôtres, les saints et les saintes de la région ou encore ceux qui étaient particulièrement invoqués à cette époque, et enfin les vertus cardinales et théologales.
Sur les côtés, les tribunes offrent une diversité de formes géométriques en de très beaux trompes l’œil laissant deviner un étonnant ensemble d’anamorphoses.
Au fil du XVIe et XVIIe siècle, furent réalisés un vestibule orné d’une magnifique voûte ouvragée offrant l’image d’une dentelle de pierre, puis le portail sud chef d’œuvre de gothique flamboyant.
Le XVIIIe siècle vît la construction du grand orgue par Christophe Moucherel, facteur d’orgue de Toul en Lorraine et la réalisation de la monumentale chaire à prêcher de marbre et de stucs, œuvre des sculpteurs tessinois, les frères Bernard-Virgile et Jacques-Antoine Mazetti.
Cette cathédrale ne fut jamais une église paroissiale, mais un lieu de culte que l’on fréquentait aux temps importants de l’année liturgique.
Ainsi on y venait communier au mieux une fois par an, faire ses Pâques, ou encore écouter le prêche.
Tout y fût conçu pour délivrer un message militant qui reste aujourd’hui tout à fait perceptible par la puissance qui émane à la fois de son architecture comme de la splendeur imposante et parfois terrible de sa décoration intérieure.
En plus de son statut d’église archiépiscopale, elle a été élevée au rang de basilique mineure par le page Pie XII, le 9 mai 1947.
Enfin, elle intégra le classement du patrimoine mondial de l’UNESCO pour la cité épiscopale d’Albi en 2010.
Mon Carnet de Notes
La Cathédrale Sainte-Cécile – Place Sainte-Cécile – 81000 ALBI – Ouvert tous les jours de 10h à 18h30.
Ce reportage a été réalisé grâce à Tarn Tourisme. Je remercie tout particulièrement Christian Rivière.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/
Vous aimez mon travail ? Permettez-moi de vous prévenir des prochaines parutions.
très beau reportage Bérengère !!
Merci pour cette visite. Je ne connaissais pas ce monument qui est sublime
Coucou Bérengère ,
toujours aussi fascinant vos reportage , je connais déjà parce qu’on a des amis à Cordes sur Ciel, mais vos photos sont magnifique .
Bisous
Yolande
Bonne continuation et une merveilleuse fin d’année pour vous ( en bonne compagnie ) …
Nous passons les fêtes de fin d’année à Obernai.
Bisous
Yolande et Marc
Quel trésor splendide!!! Merci pour cette découverte.
Eblouissante ! Merci à nouveau Bérengère pour ce reportage sur un lieu que je ne connaissais pas… Je suis saisie d’admiration pour ce travail titanesque !
Magnifique édifice, très bien présenté, il ne me reste plus qu’a prévoir une visite de la cité d’Albi prochainement.
Un lieu impressionnant et magnifique relié à la grande Histoire.Les photos expriment parfaitement la magie du lieu.
Tes reportages sont toujours aussi merveilleux ! Je rêve d’aller visiter Albi… Et des photos magnifiques, comme toujours !
Biz