Pays de briques ou de tuiles rouges et de pierres taillées blondes si élégantes, de vallons doux et de collines ondulantes, de châteaux discrets ou plus étonnants, de bastides perchées rassurantes et superbes, de vignes où souvent se rencontrent des allées de cyprès, la Petite Toscane Albigeoise offre une réelle douceur de vivre, une dolce vita secrète et de vrais trésors que je vous invite à découvrir dans la seconde partie de notre promenade sur ses terres dont l’ultime joyau est la ville d’Albi.

A l’extrême ouest du triangle d’or qui délimite d’une certaine façon cette Petite Toscane, à l’opposé d’Albi, la ville de Rabastens protège la discrète mais si belle église de Notre-Dame du Bourg. Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des (célèbres) chemins de Saint-Jacques de Compostelle depuis 1998, cette église peinte de rouges vivifiants, de bleus fastueux et parfois rehaussés d’ors est un chef d’œuvre trop souvent ignoré du gothique méridional.

Son histoire est particulièrement riche, complexe et lui a laissé des traces parfois malheureuses soutenues par les méfaits du temps. Ce fût à la faveur de l’acceptation d’un projet de peinture murale imaginée par l’artiste Joseph Engalière que l’on découvrit, enfin, les décors anciens sous les couches de badigeons. Dès lors, elles furent restituées ou repeintes en fonction de leur état par Engalière et son atelier de 1860 à 1862. Un rouge et un bleu jubilatoires, superbes, denses évoquant les splendeurs des miniatures du XIVe siècle apparurent dans le chœur et ses chapelles.

Classée Monument historique en 1899, l’édifice poursuivit lentement sa renaissance ou plus exactement sa reconstitution, recevant des vitraux, un nouvel orgue, voyant revenir ses anciens retables, statues et ornements liturgiques. En 1998, l’église rejoignit les 64 monuments qui constituent le bien culturel en série appelé « Chemins de Saint-Jacques de Compostelle en France ».

Un peu plus haut, en plein cœur de notre fameux triangle, au lieu-dit Salettes, son château éponyme, bâti sur un éperon rocheux au XIIIe siècle, surplombe 32 hectares d’une vigne millénaire de Gaillac. Jouissant d’une exposition Sud-Ouest et d’un sol argilo-calcaire particulièrement propice à sa culture, ce vignoble existait depuis l’époque gallo-romaine. Sous l’impulsion des moines bénédictins de l’Abbaye Saint Michel de Gaillac qui travaillèrent à le développer, la terre de Salettes fût investie de pieds de vigne.

Au milieu et de façon à ne pas perdre un œil sur ses cultures, une bâtisse, charmante avec ses tours et son mur d’enceinte, fût érigé entre le XIIIe siècle et le XVe siècle. Ce château fût la demeure de la branche cadette des Toulouse-Lautrec puis de la famille d’Hautpoul. Le futur Général d’Empire d’Hautpoul naquit dans la Tour du château, dit-on…

Le lieu était avant tout exploité pour ses plantations viticoles réputées, François Ier ne buvait-il pas, déjà, un certain vin blanc de Salettes ?…

Ce fût notamment la qualité de son terroir et le charme de son environnement qui incitèrent Roger Le Net à acquérir en 1994 ce qui était, malheureusement, devenue une ruine. Conservant la très belle structure extérieure, il créa un hôtel-restaurant à la décoration épurée et contemporaine s’harmonisant avec la sobriété de la bâtisse lui préservant ainsi toute son authenticité qui se fond merveilleusement dans l’un de ses paysages typiques et intemporels de ce qui est appelé la Petite Toscane Tarnaise. A la tombée du jour, il y règne une douceur et une grâce qui s’étirent paisiblement à mesure que le soleil brille moins fort.

A une douzaine de kilomètres d’Albi, le domaine du Buc réserve la surprise nettement plus rare sur ce territoire d’un château à l’allure éminemment bourgeoise de la fin du XIXe siècle. Enserré dans un vaste parc paysager aux allures de jardins à l’anglaise protégeant par delà les décennies un platane devenu centenaire, un cèdre du Liban ou encore un séquoia majestueux, cette surprenante demeure fut entièrement remaniée en 1894 par ses nouveaux propriétaires de l’époque, la famille Dussap-Boé.

Jean Boé souhaitait faire du bâtiment un lieu où vivre avec aisance, voire un certain luxe et dans une possibilité d’autarcie presque complète. De fait, dès l’emménagement de la famille Boé fin 1894, le domaine vécut un temps de splendeurs dont l’intérieur des lieux porte encore de très belles traces.

Et l’on découvre pêle-mêle une entrée d’une grande élégance avec son escalier en marbre, ses carreaux de ciment en damier, un magnifique salon voûté en briques du XVIIe siècle, des armoiries sur des portes en vitraux très 1900, la salle à manger et sa grande cheminée…

La propriétaire actuelle et descendante de la famille Boé, Brigitte Lesage a souhaité ouvrir sa belle maison de famille aux promeneurs et offre pour le petit déjeuner de ses hôtes un cadre mis en scène où maints détails viennent réchauffer et humaniser merveilleusement ces lieux charmants.

A l’extérieur, le pigeonnier récemment restauré est remarquable par sa singularité, car probablement inspiré par le style languedocien, il fût réinterprété en même temps que les travaux que vivait le château à la fin du XIXe siècle et de fait ses dimensions sont bien plus conséquentes que les constructions traditionnelles de ce type. Sa rareté et la qualité de sa restauration ont permis d’obtenir le label Fondation du Patrimoine en 2018.

Enfin, je me retrouvais dans la splendide ville d’Albi. Qui n’a point parlé de son rouge, de ses rouges devrais-je écrire ? A Albi le rouge est dans toutes les nuances en fonction des heures du jour et des saisons. En ce matin d’automne, je lui trouvais son rouge… saumonné,… un rouge rose-orangé, très doux, élégant, sans excès, presque étonnant car il y a une certaine passion en Albi, une forme de fougue à maintes périodes de son histoire dont son rouge pourrait être métaphore possible.

Bien avant l’Antiquité, les hommes se posèrent sur la rive de ce Tarn qui la traverse de part en part et devient parfaitement navigable au départ de ce lieu. Les vallées étaient fertiles, les rives gorgées de galets à tailler bien utiles pour le quotidien. Puis, les Gaulois choisirent d’y créer une cité durant la seconde moitié du IVe siècle av.J.-C. L’agriculture était l’activité principale de la cité et le port installé sur la rive, un lieu très pratique de transit et d’échanges de marchandises. Elle passe entre les mains de diverses populations. Durant le Moyen-Age, en 1035, le premier pont, l’actuel Pont-Vieux, fut construit. Plusieurs fois remaniée, il permit le développement de la rive droite de la cité. Au XIVe siècle, il fut fortifié et posséda des pont-levis.

Au Moyen-Age, la ville ceinte de murailles devint un oppidum, et le fief des seigneurs Trencavel dont l’un de ses membres étant systématiquement évêque leur donnaient ainsi la possibilité de jouir d’Albi ville épiscopale comme d’un bien propre. Aux XII et XIIIe siècles, la cité devint le centre du mouvement religieux cathare pourtant, elle passa sans résistance dans le camp catholique lors de la croisade contre les Albigeois surnom donné aux Cathares et cette décision renforça l’autonomie de la ville. Par la suite, son nouveau seigneur et vice inquisiteur de France, Bernard de Castanet, fit construire le palais épiscopal fortifié de la Berbie et l’extraordinaire cathédrale Sainte-Cécile.

Le premier est un château fort qui se transforma au fil des siècles en résidence avec de beaux jardins. Il deviendra le musée Toulouse-Lautrec en 1922 en l’honneur de l’artiste et avec la dotation de ses œuvres par sa mère à la municipalité. La seconde est une somptuosité édifiée entre le XIIIe et le XVIe siècle par les évêques d’Albi devenus seigneurs d’Albi. Elle fût restaurée à différentes reprises au cours des siècles.

Véritable chef d’œuvre du gothique méridional, éblouissant de virtuosité artisanale et artistique, la cathédrale Sainte Cécile est, encore aujourd’hui, l’exemple unique en France d’une architecture intégralement en brique et d’un décor intérieur constitué du plus vaste ensemble de peintures italiennes réalisé dans l’Hexagone.

Ses dimensions conséquentes (114 mètres de long sur 35m de large et 40m de haut, les tours du clocher sont à 78m de haut.) alliées à une construction tenant plus de la forteresse que d’un édifice religieux en font un bâtiment puissant, défensif, intimidant et a contrario rassurant. L’entrée se fait sur le côté par la nef.

A l’intérieur, la somptuosité de la décoration faite de peintures, de sculptures du XVe siècle et de fresques inspirées de la Renaissance italiennes du XVIe siècle est étourdissante. Il est absolument impossible d’admirer, d’absorber, de comprendre toutes les beautés de cette cathédrale en une seule visite tant elle est stupéfiante de splendeurs ! A chacune de mes visites, je lui découvre une nouvelle merveille et ne peux m’empêcher de retourner contempler ce qui m’avait précédemment éblouie…

Durant les XVe et XVI siècles, Albi connu une prospérité important grâce à la culture et au commerce du pastel dans la région devenu le fameux pays de cocagne de nos proverbes. Les bourgeois, commerçants, devinrent rapidement influents dans la vie de la ville. Ils exposèrent leur richesse grandissante dans la construction de nombreuses demeures dont nous retrouvons l’exemple avec la maison Enjalbert, l’hôtel Gorsse ou encore l’hôtel de Reynès dont les caractéristiques sont l’utilisation exclusive de la brique pour les murs et de la pierre pour les encorbellements et entourages de portes et de fenêtres.

Colorée, généreux, le centre urbain d’Albi est inscrit, à juste titre, sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2010. Cette belle cité dégage un véritable art de vivre parfois particulièrement dépaysant. Personnellement, je garde en mémoire, la beauté toute italienne dont elle s’était parée un matin que je traversais le Pont Vieux pour me rendre au Musée Lapérouse situé sur les bords de sa rive. Le Tarn coulait vert émeraude, vert mystère comme j’aime, un soleil tendre caressait les façades des maisons, l’air était encore gorgé de la fraîcheur humide de la nuit, et mon temps de promenade jusqu’au musée s’étira longuement dans cette délicieuse douceur de vivre toute albigeoise.

Mon Carnet de Notes

A voir, à visiter, à faire.

Se promener dans le livre d’Heures en volume qu’est la très belle Eglise Notre-Dame-du-Bourg – 12 rue du Pont del Pa, 81800 Rabastens Tel : 05 63 33 80 03 – rabastens-notredamedubourg.fr

Se plonger avec jubilation dans les œuvres du très beau Musée Toulouse-Lautrec qui habite le Palais de la Berbie. Place Sainte Cécile 81003 Albi tel : 05 63 49 48 70 ouvert tous les jours sauf le mardi. Les horaires changeant en fonction des saisons, ne pas hésiter à se renseigner sur leur site : www.musee-toulouse-lautrec.com

Découvrir la vie passionnante d’un autre grand homme d’Albi, Jean-François de Lapérouse, explorateur célèbre, humain et audacieux. Musée Lapérouse – 41 rue Porta Square Botany Bay 81000 Albi. Accès partiel aux handicapés. Tel 05 63 49 15 55 www.laperouse-France.fr

Visiter cette très très élégante pépite qu’est ce Musée de la Mode.17 rue de la Souque 81 000 Albi tel : 05 63 43 15 90 www.musee-mode.com/fr Ouvert du mardi au dimanche de 14h30 à 18h. Le dimanche à 15h et à 16h30, Dominique Miraille lui-même accompagne les visiteurs pour commenter l’exposition en cours. Les réservations sont conseillées par téléphone avant le samedi 12 heures. Tarif normal : 6 euros. Tarif réduit : 4 euros pour les enfants de 9 à 14 ans, les étudiants et les demandeurs d’emploi. L’entrée est gratuite pour les enfants jusqu’à l’âge de 8 ans inclus.

La Boutique du Musée de la Mode jouxte le musée et l’on y trouve à prix très doux un large choix allant de belles pièces uniques, de vêtements vintages, de charmants accessoires, de linges de maison ancien, des cartes postales anciennes, de matériaux anciens (mercerie, dentelles, tissus)…De quoi se faire plaisir ou faire plaisir. 17 rue de la Souque 81 000 Albi tel : 05 63 43 15 90Ouvert du mardi au dimanche de 14h30 à 18h.

Où déjeuner Où dîner ? Où dormir ?

Non loin du musée, Le Pont du Tarn propose une cuisine gastronomique au sein d’un concept prônant la transparence et la sécurité alimentaire impliquant une traçabilité des produits locaux respectant notamment l’environnement, la santé et le bien-être animal. Les fleurs sont de la partie et le goût de la lavande mêlée au fromage fondu m’est délicatement resté en bouche avec suavité. Ouvert du jeudi au lundi. 3 rue de la Grand’Côte 81000 Albi Tel 05 63 76 83 95 https://www.lepontdutarn.com

Le Lautrec propose des plats fait maison avec des produits frais locaux pour une cuisine du terroir. Je vous recommande d’expérimenter le Cassoulet de l’Archevêque et la Salade Albigeoise… Ouvert du mardi 12h30 au dimanche 14h30. 13-15 rue Toulouse-Lautrec 81000 Albi tel : 05 63 54 86 55 https://restaurant-le-lautrec.com restaurantlelautrec@wanadoo.fr

Contempler le soir tombant sur l’un de ses fameux paysages « à la Toscane » qui entourent le domaine, un moment de beauté paisible suspendu dans le temps, dîner ensuite dans le très contemporain restaurant, et déguster de très bons Gaillac issus d’un vignoble millénaire. Château de Salettes – Hôtel**** – Spa – Restaurant – Vignoble, Lieu-dit Salettes 81140 Cahuzac-sur-Vere. Tel 06 15 32 29 44 www.chateaudesalettes.com

Dormir dans un splendide pigeonnier transformé en chambres d’hôte ou dans son manoir XIXe siècle aux portes d’Albi. Domaine du Buc – Brigitte Lesage, route de Lagrave – 81150 Marssac sur Tarn tel : 05 63 55 40 06 et 06 70 14 96 47 www.domainedubuc.com

Savourer le confort et l’élégance de l’Hôtel Alchimy Albi, contemporain et avec ce petit quelque chose qui permet de se sentir « chez soi », cet hôtel est idéalement basé en plein centre ville. 12 place du Palais 81000 Albi tel 05 63 76 18 18 https://www.alchimyalbi.fr/

Ce reportage a été réalisé grâce à Tarn Tourisme.

(Je vous donne rendez-vous le 4 décembre…)

Vous pouvez retrouver l’intégralité de mes reportages en ligne : https://lesvoyagesdeberengere.com/reportages/

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